« Nouveau monde » macronien : ne cherchez plus, il n’existe pas !

lundi 16 septembre 2019
par  François DART
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Emmanuel Macron avait promis un « nouveau monde » : il n’en est rien. Il se coule à merveille dans le moule de ses prédécesseurs.

À peine avais-je refermé mon ordinateur sur la constatation désabusée que le budget 2020 signait le retour accéléré d’Emmanuel Macron dans « l’Ancien monde » dont il prétendait extraire la France avec une ardeur toute « printanière » et l’audace du jeune loup qui défie ses aînés, que l’actualité s’ingéniait à confirmer ce sentiment. On apprenait en effet que le Président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand n’avait nullement l’intention de démissionner suite à sa mise en examen pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne.

On parle de Richard Ferrand. On parle de ce député socialiste du Finistère qui fut parmi les premiers à rejoindre Emmanuel Macron, qui devint rapidement instrumental dans la mise sur pied du parti présidentiel La République en Marche (LREM) et dont Emmanuel Macron ne peut manifestement plus se passer. Il déploie depuis lors un activisme de tous les instants qui lui vaut le surnom de « porte-flingue » de la Macronie.

Réélu en juin 2017 à l’Assemblée dans la foulée de l’élection de son poulain, il entre d’abord au gouvernement au poste plutôt obscur de ministre de la Cohésion des territoires, mais doit le quitter quelques semaines plus tard suite aux révélations du Canard enchaîné sur son implication dans une affaire immobilière réalisée entre sa compagne et les Mutuelles de Bretagne dont il fut le Directeur général.

Un revers qui se trouve être une très bonne affaire pour lui comme pour Macron : la confiance du Président lui étant apparemment acquise à jamais, il retrouve son siège de député et prend la tête du groupe LREM nouvellement constitué afin d’en faire une force de frappe musclée et sans bavure au service de l’exécutif.

Entre temps, la plainte déposée par l’association anti-corruption Anticor est classée sans suite en octobre 2017. La vie est belle. Et la vie politique encore plus : lorsque François de Rugy entrera au gouvernement comme ministre de l’Écologie en remplacement de Hulot en septembre 2018, Ferrand lui succédera au perchoir, devenant ainsi le quatrième personnage de l’État et le chef d’orchestre législatif dont Macron a besoin pour traverser la période houleuse Benalla et Gilets jaunes.

Tiens, justement, Rugy. Pour lui, la vie avait commencé plutôt agréablement : homard, champagne, grands crus classés, rien n’était trop beau pour les petits dîners du Président de l’Assemblée qu’il fut. Mediapart étant passé par là, les contribuables ont eu le loisir d’apprécier ce qu’il advenait de leur « pognon » et le ministre a dû quitter précipitamment le gouvernement.

C’est qu’il existe une sorte de « doctrine » non écrite qui arrange bien M. Ferrand maintenant qu’il est lui aussi sur la sellette : un ministre étant nommé et pas élu, il doit quitter le gouvernement dès lors qu’il existe un doute sur sa virginité judiciaire. À l’inverse, un député est un élu, ce qui signifie qu’il a reçu la consécration du peuple pour le représenter. Ce que le peuple a décidé dans les urnes, seul le peuple peut le défaire dans les urnes.

D’où la décision de Richard Ferrand de rester à son poste après sa mise en examen, et d’où sa déclaration pleine de bienséance démocratique :

« Un mis en examen n’est coupable de rien. »

Ce en quoi il n’a pas tort si cette formule un peu trop générale et un peu trop péremptoire est sa façon de rappeler le principe de la présomption d’innocence.

Mais c’est aussi la formule qui nous ramène à « l’Ancien monde ». Outre que celui-ci a toujours su se montrer magnanime envers les petits arrangements personnels que la classe politique tire partout et toujours de ses positions d’autorité, cet effet étant démultiplié par l’extension constante du domaine d’intervention de l’État, il se caractérise également par un maniement des plus habiles du célèbre « deux poids deux mesures ».

À l’époque de l’affaire Fillon qui a éclaté trois à quatre mois avant l’élection présidentielle de mai 2017, Richard Ferrand n’avait de cesse de fustiger les turpitudes du candidat de la droite au nom de la morale supérieure due par les élus à leurs électeurs :

Une droite voudrait que soit placé dans nos mairies et nos écoles le portrait d’un homme mis en examen, qui a perdu toute autorité morale.

François Fillon – un homme de « l’Ancien monde » qui n’avait pas hésité à tacler ses concurrents de la primaire de droite en disant : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? » et qui affirmait, à raison, « qu’il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable » – avait d’abord dit que seule une mise en examen pourrait le faire renoncer à sa candidature. La mise en examen étant venue, il est revenu sur son engagement préalable au nom de cette « doctrine » dont je parlais plus haut : il ne peut plus renoncer, il le doit aux électeurs qui seuls ont le pouvoir de l’écarter de la magistrature suprême.

Résumons : mis en examen, Ferrand ne démissionne pas. Après avoir intensément critiqué Fillon du haut d’un prétendu surplomb moral, il s’engouffre au contraire dans les mêmes contorsions et les mêmes justifications boiteuses. Quant à Emmanuel Macron, après avoir condamné de toutes ses forces de preux chevalier sans tache et sans reproche la « lèpre démocratique » dont l’affaire Fillon était l’abominable symptôme, il garde toute sa confiance à un Ferrand jugé « irréprochable » dans l’exercice de ses fonctions. Chassez le naturel, il revient au galop…

Troisième caractéristique comportementale de « l’Ancien monde », le renvoi d’ascenseur associé le plus souvent au « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». Un sport dans lequel la Macronie se montre également très à l’aise.

Il suffit de penser que Pierre Moscovici, qui fut un pitoyable ministre de l’Économie de François Hollande de 2012 à 2014, a vu sa médiocrité récompensée par un poste de Commissaire européen à l’économie, pour mesurer l’intensité du délabrement qui présidait aux nominations aux plus hauts postes de la fonction publique de « l’Ancien monde ».

On supposerait alors qu’un Président du « Nouveau monde » s’abstiendrait naturellement de tout comportement de cet ordre. Eh bien, on supposerait mal. Car le même Moscovici arrivant au bout de son mandat le 31 octobre prochain, Emmanuel Macron n’a rien eu de plus pressé que de lui proposer la présidence de la Cour des comptes. Solidarité toute naturelle entre ex-ministres socialistes de l’Économie, probablement. Comme c’est touchant !

Mais pour les contribuables, cela marque surtout le début de questionnements sans fin sur la rigueur à attendre de cet indispensable organisme de contrôle des fonds publics et d’information des citoyens.

Il reste à se rappeler qu’en septembre 2017, Emmanuel Macron signait en grande pompe et en direct à la télévision (photo) la première loi du « Nouveau monde », la loi de moralisation de la vie publique.

Il reste à se rappeler qu’elle figurait dans la corbeille de mariage avec le Modem à l’instigation de François Bayrou qui, en bon vertueux qu’il est toujours, se voyait bien en justicier suprême de la classe politique.

Il reste à se rappeler qu’à peine nommés au gouvernement, le même François Bayrou ainsi que ses équipières Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard ont dû démissionner car le Modem, comme le RN, est soupçonné d’avoir financé ses permanents avec des fonds publics de Bruxelles en leur attribuant fictivement des postes d’attachés parlementaires européens.

Elle aurait remboursé 45 000 euros au Parlement européen.

Ce qui n’a pas empêché la France, donc Emmanuel Macron, de proposer Sylvie Goulard pour la nouvelle Commission européenne.

Bref … Des histoires de la politique ordinaire. Et ne vous y trompez pas, c’est sous Macron que ça se passe. Fond ou forme de la politique macronienne, ne cherchez pas le « Nouveau monde » annoncé, il n’est qu’illusion.


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